J’attendais sans savoir

Il y a huit ans, à la fin du mois d’octobre j’entrais pour la première fois dans mon dernier mois de grossesse. J’étais à la fois impatiente et excitée, je voulais aussi profiter de ce dernier mois avec mon mari tout juste retrouvé avant la naissance.

Il y a huit ans, j’attendais sans savoir à quel point tout serait différent avec lui, à quel point nos heures de sommeil prendraient une telle importance, à quel point on pouvait être aussi fatigué. Naïvement je n’imaginais pas qu’il me faudrait quelques heures seulement pour voir mes batteries vidées, pour plusieurs semaines et tenir quand même. Il y a huit ans je ne pouvais pas encore savoir combien ses coliques me déchireraient le coeur et combien je m’en voudrais de ne pas avoir compris plus tôt. Il y a huit ans je ne savais pas combien sa naissance allait me changer, ou plutôt me modifier. J’ignorais le nombre de litres de larmes que je verserais, quand la nuit il me réveillerait encore, et encore, ne me laisserait pas le poser et me reposer. J’ignorais ce que signifiait être tout pour quelqu’un puisque j’étais son unique source alimentaire en plus d’être LA personne toujours présente. Il y a huit ans je ne savais pas non plus qu’un nouveau né pouvait s’apaiser plus facilement dans les bras de quelqu’un d’autre, que son papa ferait une meilleure maman que moi. Et cette culpabilité sournoise, persistante huit ans après je ne la connaissais pas encore.

Il y a huit ans j’étais heureuse dans mon insouciance, et je vais faire une confidence, mais quelle joie de ne pas savoir, de ne pas avoir peur, de ne pas appréhender, de ne pas anticiper. Juste vivre, juste la joie de savoir que Bébé va bientôt arriver. Guetter le moindre signe de son arrivée, le moindre soubresaut dans mon ventre, la moindre douleur annonciatrice ou pas du moment tant attendu, redouté pour moi. Je me souviens les messages du futur papa alors qu’il était au travail pour s’assurer que tout allait bien de mon côté. Je me souviens son inquiétude quand un matin je dormais après une insomnie et qu’il avait peur que j’ai pu entrer en travail avant son retour. Je ne vais pas cacher que pour le sixième il était bien moins inquiet à ce sujet ! J’imaginais déjà mon allaitement, je n’avais pas envisagé qu’il pourrait mal débuter, j’ai eu raison car c’était un allaitement facile, sans douleur je ne comprenais donc pas celles qui disaient avoir eu si mal. Il m’a fallu attendre la troisième pour pleurer de douleurs en mettant Bébé au sein. Et quel bonheur, d’ignorer tout ça, de ne pas encore culpabiliser pour les autres parce que moi « j’ai de la chance ».

Il y a huit ans, j’ignorais que cette première naissance serait la plus difficile, celle qui laisserait la plus grosse cicatrice sur mon coeur, qui me ferait pleurer plusieurs années après. Et surtout j’ignorais que grâce à notre grand garçon, ses deux derniers petits frères naitraient à la maison. Cette naissance chaotique, m’a montré ce que je souhaitais pour la suite dans mes différentes maternités. Je me souviens me dire immédiatement combien ce petit garçon, ce nouveau né que j’avais du mal à appeler « mon fils », était beau ! Après cinq autres naissances je n’ai trouvé aucun des autres aussi beau, aussi tôt et surtout pas les deux derniers qui étaient plutôt gros et gonflés à mes yeux. Il y a huit ans j’attendais sans connaître ma vie d’après, notre vie d’après, nos bonheurs, ses premiers pas le 31 décembre 2014, ses sourires et ses rires. Il y a huit ans je ne savais pas que je connaîtrais les dinosaures grâce à lui, les arachnides et les coccinelles nous fascineraient avec son petit frère, qu’une licorne pouvait prendre autant d’importance dans la vie de deux petites filles…

Il y a huit ans, j’attendais et je ne savais rien, je ne savais pas qu’il naîtrait dans un contexte compliqué. Il y a huit ans ce petit garçon allait nous souder, nous émouvoir, nous aimer et nous faire confiance inconditionnellement, dès sa naissance. Il y a huit ans, avec lui j’ignorais que moi aussi, j’allais naître autrement. Il y a huit ans, j’attendais sans savoir…

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Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Magnifique! Je n’ai pas d’autres mots 😘

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