Bonjour bonjour,
Pour partager ces mots, et d’autres qui suivront peut-être dans les mois à venir, car j’ai beaucoup à dire encore. Pas parler pour me plaindre, parler pour expliquer, parler parce que malheureusement, nous ne sommes pas les seuls et évidemment ça touchera encore bien du monde. J’ai d’autres articles dans mes brouillons depuis des mois, deux années pour certains même. Mais je crois que ça ne peut sortir maintenant que parce qu’il n’est plus à Toulon. Notre bonhomme nous a enfin rejoint. Je garde pour nous le lieu de sa dernière demeure précise. C’est notre sanctuaire à nous, à nous ses parents d’abord puisque nous irons auprès de lui quand ce sera l’Heure, également un lieu rempli d’émotions pour ses frères et sœurs qui lui sont tellement attachés.
Le titre peut sembler un peu « putaclic » et en plus il n’est pas tout à fait précis, je parle au passé alors que je peux largement le conjuguer au présent. Je peux dire que dans l’obscurité nous avons toujours vu la lumière, parfois un joli soleil brillant, parfois un point brillant au loin.

J’avais dit à qui voulait l’entendre durant ma cinquième grossesse que Valou serait notre dernier « plus jamais » nous n’aurions d’enfants, j’avais passé plus de temps enceinte que pas enceinte, ça n’a pas tellement changé ça, depuis ma première grossesse. Dans ma tête il n’était plus question de recommencer. Je voulais retrouver mon corps, mon emploi, ma vie bien à moi. Je l’ai déjà dit, dès le jour de sa mort j’ai compris que j’avais tort, ce n’était pas à moi de décider réellement. Pour preuve, grâce à notre bonhomme nous avons eu la joie d’accueillir un nouveau petit gars sans lequel je n’imagine pas un instant notre vie aujourd’hui. Évidemment, si number 5 était là, ce petit sixième ne me manquerait pas, néanmoins ce serait dommage de ne pas l’avoir rencontré. Et surtout depuis, je n’ai plus jamais dit « plus jamais ».
Grâce à lui j’ai découvert l’Accouchement Accompagné à Domicile (AAD), j’ai rencontré une sage-femme au sens vrai du mot, une femme sage qui m’a aidé, accompagné, qui a essuyé mes larmes et pas juste au moment de désespérance. J’ai rencontré une doula qui non seulement m’a tenu les mains quand je donnais naissance, mais à versé des larmes avec moi quand quelques jours après la naissance j’étais en proie à bien trop d’émotions. Elles deux ont rendu cette naissance magique, exceptionnelle, elles m’ont fait comprendre que LUI était exceptionnel, doté d’un talent particulier, la force tranquille comme elles l’appelaient et ce bien avant sa mort. Celui qui faisait dormir n’importe quelle personne l’ayant pris dans ses bras.

Quelques jours après sa naissance nous avions visité une maison, après sa mort, nous étions sous compromis. Le temps passant et comme rien arrivait nous avons pris de la distance avec ce projet pourtant concret. Enfin, nous avons choisi de changer radicalement de projet de vie, de vie même carrément ! Ça a pris du temps mais finalement, nous y sommes la Normandie est notre chez nous. Et qui sait, peut-être que bientôt nous aurons notre maison rien qu’à nous, pour notre famille, enfants, chat et tortue…
Il nous a montré la parentalité autrement. Sans sa mort je ne serais pas la maman que je suis. Sans sa vie courte mais intense je n’aurais pas connu un tel bonheur sans nuage. D’ailleurs, à sa naissance et pour la première fois je n’ai pas vécu de baby blues, au contraire j’étais juste dans la joie. Il nous a montré à quel point nous les parents sommes un couple solide, les bases de notre famille puisqu’à aucun moment depuis nous n’avons flanché.
J’ai accepté mes faiblesses, deux journées par an je m’autorise à dire « bordel c’est pas juste, pourquoi nous ? Pourquoi lui qui allait si bien alors que tant de bébés ont des soucis de santé à la naissance mais vivent après ?! » J’avoue, je ne suis pas fière, pas du tout même et heureusement la raison reprend vite le dessus. Mais deux jours par an je suis égoïste, j’ai le droit après tout.

Ça m’a pris du temps, environ une année, pour comprendre pourquoi beaucoup de gens me disaient que eux aussi avaient vécu beaucoup de malheurs dans leur vie à l’évocation d’un bébé mort. Il a fallu beaucoup de patience également pour ne pas me mettre en colère, même si elle était bien présente en moi, lorsque j’ai eu des questions déplacées comme « mais il dormait où aussi ? » ou encore « il avait vu un médecin ce bébé ? » (cette phrase là a été de très loin la pire que j’ai entendue). Aujourd’hui je peux comprendre les interrogations ou les comparaisons, la mort d’un enfant rappelle des douleurs souvent enfouies ou pas d’ailleurs comme une fausse couche que l’on a pas osé trop exprimer.
Enfin, je me suis ouverte aux autres, jusqu’alors très peu de personnes étaient entrées chez nous, en général les gens s’arrêtaient à la véranda car elle faisait office de salle à manger. Ça m’arrangeait bien je dois avouer. Lorsque j’étais invitée je trouvais toujours une excuse pour décliner et rester chez moi. Après sa mort nous avons reçu et accepté bien plus d’invitations à dîner, à goûter etc. Mais nous avons également lancé bien plus d’invitations. Je suis bien piètre cuisinière aussi recevoir était pour moi compliqué, mais nous nous sommes forcés. Grâce à ces repas chez nous ou chez les autres nous avons grandi nous aussi, cheminé, avancé.

Parce qu’il y a peu de temps de temps j’ai lu de la part d’une maman qui a perdu elle aussi un bébé et a qui je disais qu’il m’avait fallu une grosse année pour me sentir mieux, que moi j’ai « de la chance« . La chance c’est trop facile, j’ai travaillé sur moi, mes émotions que je n’ai jamais autorisées à me dépasser… Aujourd’hui, notre fils est mort depuis deux ans et trois mois et même si son absence pèse dans notre cœur nous voyons aussi ce que ces cinq (courtes) semaines de vies nous ont apporté. Nous constatons qu’aucune vie n’est vide de sens ou stérile. C’est aussi ça la beauté de son existence, elle a donné un autre souffle à la notre.