
Octobre 2019
Bonjour bonjour,
Au moment où j’écris ces lignes je ne sais pas si un jour tu les liras, si ce texte va être modifié ou s’il restera en l’état. Parce que c’est une question difficile pour nous. Alors je vais essayer d’être transparente et puis on verra.
Pour être tout à fait transparente justement, je me suis posée cette question alors que le SAMU était encore chez nous et que notre bébé Valou était encore là. Je me suis demandée si nous aurions cette force. Cette question je l’ai gardé pour moi quelques jours, c’était bien trop difficile de la formuler, même avec mon mari. Mais lorsque nous avons pu retrouver notre petit bonhomme dans la chambre mortuaire, la Sainte Baume du nom d’un mont de la région toulonnaise j’ai pris mon courage à deux mains et nous en avons parlé. Pour la première fois j’ai évoqué cette question qui m’obsédait presque. En pareille situation j’ai tellement culpabilisé ! Mais, mon mari aussi se posait la question et n’osait pas m’en parler.

Le lendemain je crois, toujours dans la chambre mortuaire, mais seule cette fois, j’ai parlé à mon tout petit et je lui ai demandé simplement de m’indiquer quand serait le bon moment pour nous d’avoir un autre bébé. Et puis, mi-septembre un couple d’amis nous a demandé d’être parrain et marraine en couple, de leur petite quatrième. Nous avons accepté, et ça m’a mis dans une vraie joie. Traditionnellement, on dit que lorsqu’un couple est parrain et marraine d’un même enfant, ils seront eux même bientôt parents. Ce n’est que le lendemain que ma « demande à mon bébé » m’est revenue, c’est donc ça mon signe. Je sais donc que notre projet d’agrandir notre famille va s’accomplir dans un délais plutôt restreint. Nous avons d’abord des choses à régler, nous ne souhaitons rien précipiter.
Ce désir bien que profond me culpabilise terriblement! Notre Valou est sur un piédestal duquel il ne descendra jamais, c’est comme ça, un mort est toujours parfait et surtout chez les enfants. Et puis, j’ai eu peur soit d’aimer plus et plus longtemps un autre bébé, soit de ne pas réussir à aimer, d’avoir trop de mal à m’attacher. Ca fait beaucoup à porter, supporter, imaginer, à vivre quoi.

Quelques jours ou semaines après la mort de notre bébé une amie proche m’a dit que selon elle il était évident que nous aurions un autre enfant car « notre famille à une grande force de vie ». Après avoir versé des larmes j’ai reconnu que c’est vrai, elle m’a déculpabilisé.
Nous avons commencé à nous projeter, investir notre désir d’enfant, ménager notre tribu, leur en parler, leur demander, les protéger. Mais aussi les faire participer en quelque sorte, oh bien sûr, ils ne vivent pas nos discussions, nous les épargnons, mais chaque enfant a donné son avis sur la question, et tous ont été pris en compte.
Je me suis dit qu’on est peut-être bien un peu inconscient, un peu fou, ou peut-être complètement amoureux de la vie ou bien (pour ma part) donner la vie. Quand j’y pense vraiment, c’est effrayant de retenter ce pari, tout recommencer avec la peur d’une fausse couche, d’un nouveau décès, d’un nouvel échec. Parce que oui, on le vit comme ça tous les deux, la mort de notre bébé on le prend comme un échec, quelque chose qui va nous laisser une cicatrice indélébile jusqu’à la fin de notre vie ou la perte de la raison, de nos souvenirs. Est-ce qu’on va y arriver, encore ?

Octobre 2020
Quelques semaines après la première partie de ce texte nous attendions Chouchou. Très vite après les résultats d’autopsie qui nous ont tellement rassurés. Aujourd’hui, je finis ce récit alors que ce sixième bébé (qui n’est pas passé loin du prénom Sixte) vient de dépasser le nombre de jours de vie de son grand frère. Et qu’il est actuellement profondément endormi sur moi. Aujourd’hui je suis fière de dire qu’on a eu le courage (ou la folie ?) de nous relancer si vite dans l’aventure.

Aujourd’hui je peux dire que je suis très heureuse, mais pas toujours sereine. La nuit dernière, encore, je me suis réveillée en panique parce qu’il n’avait pas encore pleuré pour manger, parce que je ne l’entendais pas respirer. Et ça arrive si souvent depuis la première nuit, sa toute première nuit. Les derniers jours ont été compliqués 5 semaines et 3 jours à dépasser. Et on y est ! Pourtant, nous sommes toujours angoissés d’ailleurs il ronchonne plus depuis quelques jours lui aussi, nous parvenons difficilement à l’apaiser. Alors il faut parler… Mais bon sang que les nuits compliquées valent la peine, ses petits sourires nous comblent, ses mimiques nous font tellement rire ! Il ressemble tantôt à l’un, tantôt à l’autre, il fait bien partie de sa fratrie.

Aujourd’hui je suis fière de publier ce petit billet dont la base n’a presque pas été changée, je l’ai juste complétée, une année après. Aujourd’hui je suis heureuse d’écrire on a fait un autre bébé !