La colère fait place…

Le confinement a permis une grosse introspection, poser des choix pour nous, notre famille, ce nouvel enfant. Mais il a fait ressortir une immense colère dissimulée jusqu’alors. Cette colère s’est traduite par d’énormes plaques de boutons, d’énormes démangeaisons. Je ne dormais plus la nuit, je me cachais et souffrais physiquement et moralement. Jusqu’à ce que je comprenne que j’étais tout simplement en colère. Je suis retournée voir ma psychologue et ces désagréments se sont estompés puis ont cessé, pour de bon. Je me suis dit que c’était fou quand même d’être à ce point « bien élevée » comme on dit dans la Marine Nationale Pas de vent, pas de vague Morgane doit être sage.

Et il y a quelques jours ma psy m’a fait comprendre que ma colère n’est que le reflet de ma tristesse que je m’autorise encore moins. Je suis dans le contrôle de moi-même permanent. Je cherche tellement à me contrôler qu’en accouchant je ne fais aucun bruit. Alors oser pleurer après la mort de mon bébé me paraissait insensé. Surtout quand on me dit que je n’ai pas à me plaindre, que je suis chanceuse même. Et pourtant, bon sang que je ne l’ai pas sentie cette chance lorsqu’avec mon mari le matin du 16 juillet 2019 nous refermions nous même le petit cercueil blanc qui était déjà à ce moment là sa demeure pour l’éternité. Mais il fallait tenir.

Et puis, j’en suis venue à détester discuter avec les mamans essentiellement. Celles qui se comparaient à moi et à mes yeux cherchaient à soit réduire ma douleur, soit augmenter la leur. Lorsqu’une telle me disait que sa soeur/cousine avait vécu la même chose suite à une IMG et que j’avais envie de lui hurler que non ce n’est pas pareil ! Moi je n’ai fait aucun choix concernant la vie et la mort de mon bébé et même s’il avait été porteur de n’importe quelle maladie j’aurais choisi sa vie ! Que non, une fausse couche dans le premier trimestre d’une grossesse ce n’est pas la même chose qu’enterrer son bébé après cinq semaines de vie.
Je leur en ai voulu à toutes de se comparer pour m’entendre dire que les autres vivent la même chose. Les rares fois où je me compare c’est avec des gens qui à mes yeux ont vécu pire et donc je m’estime heureuse, je ne me verrais pas aller dire à une mère ou un père dont l’enfant est mort d’un cancer que lui « au moins a eu la chance de s’y préparer ». Et donc je me dis que j’ai le bonheur de n’avoir pas vécu la douleur de mon fils, qu’il est mort serein. Et puis, lorsque je parle à mes proches ayant vécu le décès d’un de leurs enfants, et il y en a beaucoup hélas, personne ne me dit que « j’ai de la chance », au contraire. Nos amis sont une vraie source d’inspiration, surtout ce couple que nous avons choisi comme parrain et marraine de notre petit dernier qui n’était même pas conçu.
J’en ai voulu aux autres de me dire que « moi au moins je tombe enceinte facilement » comme si avoir cinq ou dix enfants après celui qui est mort allait changer ce manque si douloureux, obsessionnel, mon ventre si tordu de douleurs et pas par cette nouvelle grossesse !
Tout ça m’a rendu aigri, triste et en colère. J’en voulais tout simplement à tout le monde ! ces mamans, ma famille, les connus et les inconnus.

Mais, aujourd’hui, j’écoute le Podcast de Mélissa de la chaîne Golden Family, je prends conscience de ma tristesse, ma tristesse de me rendre compte que j’ai été aigrie et si en colère. Je m’en veux, mais tellement ! Je n’ai jamais nié la douleur d’une fausse couche, je n’en ai pas vécu mais je sais que j’en aurais été ébranlée ! Mais lorsqu’on comparait le décès de mon bébé à une fausse couche précoce je devenais folle. A présent, j’arrive à faire la part des choses, je me mets en condition pour laisser glisser les propos qui m’ont tant blessé.
Comme Mélissa j’ai refusé de vivre un deuil logique, je me suis crue plus forte. Alors pour notre couple, nos enfants et ce désir si fort de redonner la vie je me suis contrôlée. Cette vidéo raisonne tellement, elle ranime ma tristesse, pourtant si saine. Bientôt je vais de nouveau accoucher et continuer ce nouveau livre avec ce nouveau bébé tellement désiré, réfléchi et déjà aimé, avant d’exister dans mon corps.

Et aujourd’hui j’ai besoin d’accepter de le laisser partir, c’est très difficile, et pourtant nécessaire. C’est un deuil de plus à faire après celui de son petit corps, celui de sa voix que l’on oublie trop vite, celui de son odeur qui s’évapore aussi. Jusqu’à maintenant accepter de le laisser partir était pour moi synonyme d’abandon, le sentiment de le laisser sur le bord de la route. Aujourd’hui ça fait un an et mois précisément que mon bébé est mort et je me bats toujours pour le garder tout près de moi tout en acceptant sa mort. Et récemment j’ai vu une histoire de dates concordantes entre notre Valou et ce nouvel enfant qui m’a fait sourire. Un petit clin d’œil qui m’incite à lâcher prise, encore plus. Il faut également que j’accepte aujourd’hui qu’il est une partie de notre passé. Bien sûr qu’il sera toujours un petit peu avec nous, mais il n’est pas notre présent comme j’ai eu la naïveté de l’imaginer.

Quoi qu’il en soit je suis bien décidée à me délester de ma colère, je suis décidée à laisser couler mes larmes tant qu’elles en ont besoin, seule ou avec mon Thierry. Seule ou avec mes amies, les plus proches, les plus intimes, celles capables de les voir ou les entendre sans chercher à les atténuer, les minimiser, juste écouter et laisser couler. Je suis reconnaissante d’avoir une si jolie famille, quatre enfants en pleine santé, bientôt un nouvel enfant à cajoler. Je suis décidée à me laisser aller aussi pendant mon accouchement si proche, si les larmes ont besoin de couler ce jour là parce que la douleur physique se mêlera immanquablement à la douleur psychique toujours si présente alors je les laisserai aller, il y aura du monde pour m’aider à les accueillir.

Aujourd’hui ce qui me tient à coeur, c’est d’enfin me retrouver pleinement, ma joie de vivre, pouvoir écouter tout le monde et être pleine d’empathie comme je l’ai été presque toujours dans ma vie. Aujourd’hui je sais que je suis extrêmement heureuse et chanceuse, en tapant sur mon clavier et sentir Bébé bouger dans mon ventre, comme un petit forcené.
Un peu de patience et je vais réussir à me retrouver, presque comme avant, presque, mais en plus évoluée, sans l’arrogance de l’ancienne jeune femme dont la vie souriait depuis 2013 sans ombre ou presque au tableau.

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