
Bonjour bonjour,
J’avais envie d’évoquer un sujet qui me tient à cœur, et qui je pense va raisonner auprès de pas mal de mamans, de parents même tout simplement. Cette culpabilité, de ne pas faire la bonne chose au bon moment, ressentir la bonne émotion au bon moment. La peur…
Comme la majorité des jeunes filles je suppose je voulais des enfants, c’est la « norme », le standard d’une vie je dirai même. Puis, vers l’âge de 16 ans j’ai commencé à avoir peur d’être une mauvaise mère, ne pas faire les choses comme il faut. Je voulais être une maman calme, parler sans jamais crier, savoir ME gérer pour savoir LE gérer. Bien sûr c’était de l’inconscient à ce moment là, à 16 ans j’étais loin de faire un enfant, et heureusement car j’étais une enfant. Puis, en prenant un peu d’âge je me suis sentie de moins en moins capable d’avoir un ou des enfants. Une grossesse qui déformerait mon corps m’effrayait, ne pas réussir à perdre mes kilos, mon incapacité à être une maman… Tout ça m’a tétanisé littéralement !

Après LA rencontre, notre premier appartement et très très vite un test positif, je ne me suis pas réjouis, j’ai pleuré ! Toute première culpabilité, le temps de regarder un bâtonnet et déjà je me sens minable. Une grossesse entière à me dire que je n’étais pas faite pour être mère, que mon bébé ne survivrait pas, tellement d’angoisses et de larmes. Déjà. Mon accouchement qui se passe mal, Bébé qui ne respire pas. Je me sens encore coupable et je parviens plus de six ans et demi après à ressentir la culpabilité de ce moment.
Les suites de couches ne sont guère plus glorieuses « non mais Madame c’est votre bébé, c’est à vous de savoir de quoi il a besoin, pas la peine de nous rappeler ! » Ne pas être capable de le comprendre dans ces premières heures. Encore une dose d’incapacité. J’apprendrai avec l’expérience que non, ce n’était pas de ma faute. Retour à la maison, déménagement, départ « en vacances » l’un de mes plus gros regret ! Partir si loin, si longtemps dans autant de maisons avec autant de gens pour fêter Noël. Je n’ai rien fêté du tout, en revanche j’ai beaucoup pleuré ! Enfin le retour chez nous et je me retrouve seule avec un bébé que je ne sais pas calmer, que seul son père sait apaiser. Je me sentais tellement nulle, inutile… Heureusement que je l’allaitais autrement j’aurai encore aujourd’hui le sentiment d’avoir tout loupé avec notre aîné. Les coliques que nous avons mis plusieurs jours à comprendre, mes larmes lorsqu’enfin j’ai su combien mon bébé souffrait et que j’écoutais bêtement ceux qui me parlaient de caprices ou bien me disaient que je ne savais tout simplement pas m’en occuper, que c’était à cause de l’allaitement et que je devrais tout arrêter et passer au biberon. Heureusement que je ne les ai pas écouté. Les décharges du soir, durant lesquelles il pouvait passer plus de deux heures à hurler sans discontinuer dans nos bras, puis tombait de sommeil. Je me sentais tellement démunie, inutile encore.
Très vite une nouvelle grossesse, comme pour gommer la première, comme pour effacer mes ratés, ça fonctionne. Un temps du moins, mais je me sens difficilement la maman de mon grand. Il est le fils de son père, avec mon deuxième tout est plus simple, je sais quoi faire, quand le faire, pas d’inconnu ou presque.

Et puis, l’arrivée de la troisième, pour laquelle trop de monde a un avis, une chose à redire sur ma façon de gérer les nuits, les jours, ses pleurs, les miens. Mais je suis seule, tellement seule… Et j’en fais baver à mes deux grands, surtout l’aîné, encore. Il est pourtant si jeune, même pas trois ans et il doit me supporter, mes colères, mes tristesses, mes larmes. Il n’en ressortira pas indemne, en plus de ne pas avoir son papa pour sa première rentrée des classes, il a une maman complètement à côté de la plaque. Il y a énormément de larmes chez nous durant de trop longues semaines, et j’entends que tout est de ma faute, que je ne sais pas gérer, que je m’y prends beaucoup trop mal. Bien entendu, personne ne songe à me dire que peut-être l’absence du papa est au moins en partie responsable de mon état de fatigue, de ce baby blues qui n’en finit pas. J’entends et je lis que si on laisse bébé pleurer il va souffrir de carence affective pour le reste de ses jours, certaines mamans disent qu’on ne doit prendre sa douche que si quelqu’un peut prendre la relève. Je n’ai pas de relève ! La culpabilité vient immanquablement à la maman que je n’ai pas le sentiment d’être. J’ai plus le sentiment d’être un dragon, un gendarme, je ne suis pas aimante, maternante, incapable de parler et ne sachant que hurler et pleurer. J’admire tant les autres, ses amies, mes amies qui me semblent tellement meilleures que moi et qui le sont assurément à ce moment là tout au moins.
Je culpabilise d’être seule, en trois années de vies à Brest je ne me suis pas fait une seule copine, personne à qui parler quand je me sens si seule justement. Je culpabilise de cette vie solitaire que je suis incapable de changer pour autant. Je culpabilise de ne pas travailler, avec l’impression d’être une traîtresse à la gente féminine. Plus tard je ressentirai la culpabilité inverse de cette mère ignoble qui abandonne sa progéniture pour aller travailler et aimer ça en plus, arrêter l’allaitement de ma quatrième par mon incapacité à tout gérer, regarder mon deuxième pleurer tous les mercredis parce qu’il déteste le centre aéré, me sentir tellement minable de lui imposer ça.
Culpabiliser d’avoir fait déménager notre famille dans une ville que nous ne souhaitions pas retrouver tous ensembles et aujourd’hui rêver d’en repartir et culpabiliser à l’idée de tout chambouler, encore. Me demander encore et toujours si mes idées/décisions sont les bonnes et culpabiliser déjà de tout ce qui va arriver.

Cette culpabilité depuis un an avec le trop fameux « et si… » qui n’a bien entendu jamais ni de réponse ni de fin. Cette horreur à chaque fois que je me rends au cimetière, pas assez souvent, mais dans cet endroit que notre deuxième ne supporte pas et où ne pouvons pas nous rendre en famille. Cette culpabilité d’imposer à ma famille ce si gros malheur qui me semble-t-il vient comme un bagage bien lourd de mon côté à moi, que mon mari n’imaginait pas alors que moi si. Cette culpabilité d’avoir envie d’envoyer balader tout le monde, tous les gens se comparant leurs malheurs au nôtre, et en même temps ruminer tout ça parce que je n’ai pas osé dire que selon moi on peut pas vraiment comparer les choses… Culpabiliser de ne pas être capable de m’exprimer comme une adulte face aux gens qui peuvent me blesser volontairement ou non et dire de façon toute simple « là tu m’as blessé », ni plus ni moins.
Je culpabilise de voir le côté positif de tous mes amis, et pas le mien, voir les qualités de mes amis et ne voir que mes défauts à moi.
La culpabilité d’avoir mis cinq mois à apprécier cette grossesse, et me trouver si moche enceinte, la culpabilité de chercher à ne pas prendre de poids, sans succès, et prendre trop de poids, justement, puis la culpabilité de me dire que bientôt je vais regretter de ne pas avoir plus apprécié ce temps avec ce bébé. Je culpabilise déjà à l’idée de le faire garder alors qu’un bébé a besoin de sa maman et la maman de son bébé aussi.

Mais, aujourd’hui, je vis avec cette culpabilité qui m’aide à me dépasser, qui me pousse à aller de l’avant. Elle me pousse à changer, ce qui me rend beaucoup plus positive, à voir le positif dans ma vie parce que bon sang que la vie est belle. Ma vie est belle ! Et même de plus en plus à mesure que le temps passe.
Grâce à mes erreurs du passé avec mes aînés je suis bien plus armée pour faire face aux pleurs des bébés, il y a des choses qui me semblaient très grave avant et qui aujourd’hui ont trouvé leur juste place dans nos vies. De voir le positif chez tous les autres et les aider à le voir m’aide à voir mes qualités à moi aussi aujourd’hui et c’est une de mes fiertés. J’apprends à m’exprimer, avec mon petit mari déjà, pour les autres on verra avec le temps, faut bien un début !
La reprise du travail qui m’a aidé à me retrouver moi, avoir une vie à moi et me sentir utile à notre vie de famille notamment financière. Je me dis que le jour venu je serai fière de me dire que l’accession à la propriété se fera en partie grâce à moi. Et puis, la reprise du travail a beaucoup apaisé les tensions familiales, les enfants très heureux de me voir heureuse de les retrouver. Sans compter que je ne travaille plus le mercredi donc je ne vois plus mon moyen garçon pleurer chaque semaine !

Voilà, bien sûr que je culpabiliserai toute ma vie, surtout pour mon fils aîné qui fait et fera toujours les frais de mon manque d’expérience, mais j’arrive aussi à garder la tête froide à présent et je parviens à relativiser de mieux en mieux.
Et toi, tu es dans quelle team ?