
Six heures, le réveil sonne, ce matin nous sommes assez pressés Thierry doit être très tôt au travail, on prend quelques minutes pour plaisanter puis je lui demande d’aller chercher le bébé, mes seins vont exploser, il ne s’est pas réveillé cette nuit, je suis pleine de lait.
Et puis, le hurlement de la découverte, l’appel aux pompiers, l’attente et le massage cardiaque. L’attente dans la cuisine, aller attendre le SAMU devant la maison. L’attente dans la cuisine, les enfants à rassurer même si j’en suis incapable.
Et enfin l’annonce « votre bébé est mort », lui mettre sa dernière couche sur la table à manger, le soulever pour le prendre contre moi et entendre l’air s’expirer de son corps. C’est normal parait-il, moi j’attends qu’il en reprenne, je regarde autour de moi l’équipe du SAMU qui me regarde comme pour me confirmer que c’est terminé.

Ah mon Valou, cette année nous avons souhaité être loin de Toulon, loin de cette maison, mais aussi loin de toi, hélas. Nous avons choisi de ne pas revivre heure après heure dans cette maison qui t’a vu naître et mourir ces instants si terribles. Tu le sais, nous choisissons la vie ! Il y a peu, je te disais que ton rôle à toi est de veiller sur les plus petits, les plus fragiles. C’est d’ailleurs assez ironiquement que tu as été prié pour les jumeaux de nos amis pour qu’ils apprennent à respirer seuls, et tu as rempli ta mission ! Oui, je le confesse, je suis remplie d’orgueil quand on félicite mes enfants, j’ai d’ailleurs rougis cette fois encore « Tu peux être fière de ton p’tit gars Morgane » j’ai même versé ma larme.

Tu passeras ton ciel à faire le bien sur la Terre…
Je crois sincèrement que tu as été appelé pour une chose bien précise sur cette terre, et bien plus dans le ciel, et je te fais confiance ! Grâce à toi je me découvre, je découvre que je n’ai pas toujours la main mise sur ma colère, que je suis capable d’en vouloir aux autres même si j’ai du mal à l’assumer parfois. J’ai compris que souvent il faut mettre un mouchoir sur sa fierté et ne pas répondre même lorsque je suis blessée. J’ai compris que quelque soit ce que l’on vit tout le monde à un exemple de « pire », de « pareil », de « plus dur ». Il a fallu être très fort face au monde, sortir sans toi et savoir que tout le monde allait nous demander où tu étais comme le jour de la rentrée des classes, qui reste encore aujourd’hui l’un des plus difficile dans ma vie. Continuer notre vie de famille très vite, pour les grands, je nous trouvais « exceptionnels » et je crois que nous l’avons été car malgré tous les bons conseils de bien du monde, peu auraient fait ce que nous avons réussi à faire il y a un an.

L’amour jamais ne passera…
L’amour n’arrête pas la mort, et surtout rien n’empêche d’être heureux. Jamais. Aujourd’hui, je vois les choses avec de nouvelles lunettes, j’ai compris ma maternité différemment. J’ai compris aussi que je ne peux malheureusement pas tout contrôler, je dois apprendre à lâcher prise car les enfants ne nous appartiennent pas.
Les réponses à nos questions concernant ton décès ont été salvatrices, pour preuve, quelques jours plus tard un nouveau bébé s’installait bien tranquillement dans mon ventre. Nous avons réussi à lui faire une place, sa place. C’était assez symbolique et tellement concret ! Grâce à ta mort et le tsunami qu’elle a entraînée, la douleur physique et morale si intense nous avons appris et apprenons encore à aimer encore plus. A aimer encore plus fort ! à façonner les « grands » et j’en découvre aujourd’hui encore sur leur amour pour toi en parlant à d’autres référents. Ils nous cachent leur tristesse pour ne pas nous accabler, les enfants sont une merveille ! Grâce à ta mort j’ai compris les angoisses de ta grande soeur, j’ai compris ses nuits sans sommeil et les nuits plus difficiles que les autres je pensais à toi, me rappelant combien j’aimerai que tu m’empêches de dormir toi aussi.

Notre cité se trouve dans les cieux…
Mon tout petit, dans quelques semaines tu laisseras sûrement ta place de petit dernier au suivant, comme l’ont fait tes aînés avant toi, sauf ta grande soeur qui n’a jamais réussi à te céder cette place, quelle clairvoyance ! mais aujourd’hui elle le fait. Dans quelques semaines je me concentrerai sur ce nouvel enfant, ce « nouveau né ». J’aurais probablement besoin d’un coup de pouce pour te laisser un peu t’éloigner sans pour autant t’évincer, t’abandonner.
Merci mon Valou pour ta vie, si c’était à revivre je la revivrai sans hésiter, chaque vie mérite d’être vécue et heureuse ! Merci pour ta force donnée, pour donner vie à un nouveau bébé.
